N’en déplaise à tous les amoureux de l’ovalie, le rugby n’est guère épargné par la crise sanitaire que nous traversons aujourd’hui. Matchs annulés, clubs amateurs contraints de baisser le rideau, économie sportive en deuil : à l’image d’autres sports, le rugby n’échappe pas aux multiples difficultés. Y a-t-il encore de l’espoir pour sortir de la mêlée ?
Plaqués par le virus…
À partir du moment où les triples champions du monde All Blacks en viennent à essuyer consécutivement deux revers, face à l’Australie d’abord, puis, plus étonnant, face à l’Argentine (sans mépris aucun pour les Pumas), c’est que le rugby traverse une mauvaise passe ! Si les joueurs néo-zélandais à la fougère argentée ont effectivement défrayé la chronique en chutant pour la première fois de leur histoire face à de vaillants argentins samedi dernier, le problème actuel du rugby ne s’arrête pas à ce gros tampon sportif. Le problème est plus profond. À n’en pas douter, l’ovalie est en mauvaise posture. La pandémie insidieuse de Covid-19 n’en finit plus de mettre à mal le monde du rugby. La situation sanitaire, qui semble moins virulente dans l’hémisphère sud, maltraite sans relâche l’Europe. En France, le déséquilibre rugbystique est total : depuis l’annonce d’un second confinement par le président Emmanuel Macron le 28 octobre dernier, le rugby amateur est le parent pauvre de la situation. Toutes les compétitions amateures ont mis la clé sous la porte jusqu’au mois de janvier prochain. Gros coup dur. Armé d’un espoir consolateur, le président de la FFR, Bernard Laporte, appelait à l’optimisme et au courage dans un courrier adressé aux clubs au début du mois : « C’est une décision de suspension que je prends avec tristesse, mais il faut y voir l’opportunité de reprendre ses forces pour repartir de plus belle en fin d’année ».
Même si l’intéressé donnait l’impression de botter en touche, la fin d’année pourrait toutefois voir les rugbymen amateurs reprendre timidement le chemin du terrain, si la situation le permet. C’est tout le bien qu’on leur souhaite. Et les professionnels dans tout ça ? Sauvés par leur statut, les pensionnaires de Top 14 et de Pro D2 peuvent encore fouler les pelouses tous les week-ends, ou presque : quelques cas de Covid dans l’effectif d’une équipe, et la rencontre est reportée. Dans une saison déjà plombée par ces nombreux reports, l’addition est encore plus salée avec les conséquences économiques. Les grandes écuries telles que le Stade Toulousain, l’ASM Clermont Auvergne, ou encore le Racing 92 sont autant d’économies dynamiques qui carburent par les recettes au stade. Avec l’avènement du huis clos, l’absence de cette recette « billetterie » est forcément dure à soutenir, en particulier pour les présidents : « On résiste à crédit, nous avons obtenu 5,5 millions d’euros de prêt garanti par l’État et nous tirons sur ce prêt pour le moment […] mais ce prêt, il faudra le rembourser », estimait Jean-Michel Guillon, président de Clermont, il y a une semaine. Même son de cloche chez Didier Lacroix, président de Toulouse, qui lui, blâmait la solution du huis-clos : « la pire des solutions » (entretien Le Parisien – 04/11/2020).
Mais fiers comme des coqs !
Malgré les aléas de cette année inédite, on pourra se satisfaire du niveau de jeu affiché par le XV de France. Les succès retentissants face au XV de la Rose anglais ou chez les Gallois à l’hiver dernier n’étaient pas un feu de paille : fin octobre, les tricolores ont confirmé les belles promesses du début d’année en s’octroyant une seconde place finale dans le Tournoi, après avoir dominé les irlandais. Face au virus, il aura donc fallu attendre plus de six mois pour que la compétition touche à son terme. Qu’à cela ne tienne : cela n’a pas empêché les joueurs de Fabien Galthié de repartir avec de belles certitudes, et au sommet de celles-ci, une quatrième place mondiale au classement World Rugby.
La fierté et la confiance refont enfin surface, après plusieurs années de disette au cours desquelles les tricolores peinaient à confirmer de rares coups d’éclat. Désormais, avec cinq victoires sur six matchs cette année, le moral affiché est flamboyant, et il nous tarde de découvrir ce que proposera cette équipe au cours des prochaines rencontres. Porté par son imprévisible demi de mêlée Antoine Dupont, ou encore par son centre percutant Virimi Vakatawa, le XV bleu de Charles Ollivon emprunte le chemin de la rédemption depuis sa cruelle élimination en quart de finale de Coupe du Monde face aux gallois, il y a un an. Cette résurrection des joueurs au maillot frappé du coq séduit les supporters français, et constitue un véritable motif de satisfaction à l’heure où le confinement affaiblit durement le divertissement sportif. En France, alors que la finale du Top 14 n’a pas eu lieu cette année, on espère vivement qu’elle ne sera pas à nouveau mise de côté à l’issue de cette saison. « Wait and see », comme disent les Anglais, avec leur flegme habituel. Certes, 2020 fut une année austère, mais en faisant mauvaise fortune bon cœur, on égaiera notre humeur en se rappelant qu’une année où l’on triomphe de nos meilleurs ennemis anglais ne peut être mauvaise. De quoi se remémorer les propos ironiques d’un certain Jean-Pierre Rives, ancien capitaine du XV de France : « Les Anglais ne perdent jamais, mais parfois on les bat ». Sorry, good game !
Auteur : Rayane Réalisateur : Xavier
Un plaisir à lire et à entendre. Merci