L’économie sociale et solidaire face aux défis de 2025 : entre engagement local et ambitions nationalesChapo :Alors que l’inflation pèse sur les budgets publics et que les besoins sociaux explosent
- Laurence Rakoto
- 25 mars
- 3 min de lecture
Alors que l’inflation pèse sur les budgets publics et que les besoins sociaux explosent, les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) sont en première ligne. Associations, coopératives et mutuelles innovent pour maintenir le lien social, repenser l’emploi et relocaliser l’économie. Tour d’horizon d’un secteur en pleine mutation.

L’économie sociale et solidaire, souvent perçue comme la face humaine de l’économie, connaît en 2025 une période charnière. Face aux incertitudes économiques, aux bouleversements climatiques et aux fractures territoriales, ce modèle alternatif s’impose de plus en plus comme une réponse concrète aux défis contemporains.
Selon le réseau ESS France, qui fédère les principaux acteurs de l’économie sociale et solidaire à l’échelle nationale, le secteur doit aujourd’hui relever trois grands défis : assurer la transition écologique, renforcer les dynamiques territoriales, et créer de nouveaux modèles de gouvernance économique.
Portée par plus de 200 000 structures en France, l’ESS emploie aujourd’hui plus de 2,6 millions de personnes, soit près de 10 % de l’emploi salarié national. Ce chiffre, rappelé dans le rapport annuel de l’Observatoire national de l’ESS
illustre la vitalité d’un secteur qui conjugue utilité sociale et performance économique.
Dans un contexte de réduction des financements publics, les acteurs de l’ESS innovent pour pérenniser leurs actions. Loin d’être cantonnée à de grands discours ou à des structures institutionnelles, l’économie sociale et solidaire se manifeste de manière très concrète, par le biais d'initiatives locales réinventant les usages, les solidarités et les modèles économiques.
À Marseille, par exemple, la coopérative Plateau Urbain a réhabilité d’anciens entrepôts désaffectés pour en faire des lieux de travail partagés. Artisans, artistes, associations et structures de quartier s’y croisent dans une logique de mutualisation des ressources et d’ancrage territorial fort. L’objectif n’est pas seulement de proposer un toit, mais de créer un écosystème vivant, productif et accessible.
A Lille, une mutuelle solidaire innove en proposant un accès aux soins à des personnes souvent laissées en marge du système classique : étudiants précaires, travailleurs sans couverture santé, migrants en attente de régularisation. Ce dispositif repose sur une alliance originale entre dons citoyens, soutien municipal et auto-financement, démontrant qu’un autre modèle est non seulement possible, mais déjà opérationnel.
Ces exemples ne sont pas isolés : ils témoignent d'une dynamique de terrain portée par des structures qui expérimentent des solutions là où les dispositifs traditionnels peinent à répondre. En redonnant vie à des lieux abandonnés ou en proposant des services essentiels hors des cadres classiques, ces démarches incarnent l’esprit même de l’ESS : agir localement tout en repensant globalement nos modèles sociaux et économiques.
Si l’ESS séduit les citoyens et les élus locaux, elle reste encore sous-représentée dans les grandes filières industrielles. Le journal évoque également un appel lancé au gouvernement pour intégrer davantage l’ESS dans la commande publique et soutenir les structures à fort impact social par des leviers fiscaux. Du côté de l’emploi, le secteur attire aussi une nouvelle génération de jeunes diplômés en quête de sens. Les écoles de commerce ouvrent désormais des cursus spécialisés dans l’entrepreneuriat social, et des plateformes comme Makesense ou Latitudes facilitent le passage à l’action pour les jeunes porteurs de projets.
Mais tout n’est pas simple. Le manque de reconnaissance institutionnelle, les difficultés d’accès au financement bancaire et la précarité de certains statuts restent des freins importants. Les fédérations du secteur plaident pour une politique publique plus ambitieuse, qui reconnaisse l’ESS comme un pilier de l’économie au même titre que l’industrie ou les services.
C’est sur le terrain, dans les territoires, que l’ESS dessine déjà les contours d’une économie plus juste, plus solidaire et plus durable. Qu’il s’agisse de lieux partagés, de circuits courts ou d’accès aux droits, ce sont les coopératives, les mutuelles et les associations qui tracent des chemins d’innovation sociale. Mais pour changer d’échelle, l’enjeu reste entier : l’ESS ne pourra transformer l’économie qu’à condition d’y être pleinement intégrée.
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