Difficultés à se nourrir ou à payer son loyer, renoncement aux soins, décrochage scolaire… La perte d’activité rémunérée et l’enfermement dus à la crise sanitaire ont eu des conséquences financières et psychologiques graves chez les 18-25 ans. Grâce aux structures de solidarité et d’accompagnement qu’elles ont mises en place bénévolement, les associations étudiantes se révèlent être un soutien essentiel pour des milliers de jeunes.
Par Charlotte Morand
C’est à la suite du suicide d’un étudiant en cité universitaire lors du premier confinement que l’association rennaise Droits des étudiant.e.s décide de créer la plateforme SOS Etudiants. « On voulait lutter contre la précarité financière et sensibiliser les gens à ça », explique le cofondateur de l’association Pierre Guillaudeux. Depuis, ils sont venus en aide à environ 200 jeunes grâce aux 8 500 € de dons qu’ils ont récoltés et au système de parrainage mis en place.
Comme eux, d’autres associations étudiantes se mobilisent pour apporter du soutien aux jeunes dont la précarité ne cesse de croître dans le contexte de crise sanitaire. D’après une enquête Ipsos commandée par la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) en juin dernier, près de 3 jeunes sur 4 ayant entre 18 et 25 ans déclarent en effet avoir eu des difficultés financières depuis le premier confinement.
Face à des institutions souvent débordées, ces associations sont ainsi devenues des acteurs incontournables pour les jeunes qui les sollicitent encore plus pendant ce nouveau confinement, selon les témoignages recueillis.
Les initiatives en question
Parmi les différentes initiatives visant à apporter un soutien aux étudiants confrontés à la précarité, on retrouve notamment l’aide alimentaire fournie par de nombreuses associations. C’est par exemple le cas de l’Association générale de Paris (AGEP) qui, en plus de ses épiceries solidaires, a mis en place des distributions alimentaires pour répondre à la forte demande des étudiants. Au total, environ 500 paniers sont distribués chaque semaine.
La santé mentale, fragilisée par les difficultés financières éprouvées et l’isolement social engendré par le confinement, constitue un autre volet de l’offre de certaines associations. Droits des Étudiant.e.s a ainsi développé un système de parrainage pour lutter contre la précarité financière et la solitude des étudiants. Le principe est simple : mettre en contact des personnes actives et des jeunes afin de leur offrir une aide financière, alimentaire ou morale. « On s’est rendu compte a posteriori que ça permettait de répondre à des problèmes financiers mais que ça allait aussi plus loin que ça, certains sont d’ailleurs restés en contact par la suite », témoigne Pierre Guillaudeux qui se réjouit des résultats.
Victimes de leur succès ?
Malheureusement, ces associations qui reposent sur des bénévoles et dont les ressources sont souvent limitées se retrouvent dépassées. « Les gens sont en train de nous prendre pour une institution : il y a des écoles qui considèrent qu’elles peuvent nous renvoyer des étudiants mais on n’a pas les moyens humains d’accueillir des centaines d’étudiants », confie le cofondateur de Droits des Étudiant.e.s.
Même son de cloche à l’AGEP qui est contactée par une dizaine d’étudiants chaque jour pour être bénéficiaire de l’Agoraé ou pour avoir un panier pour la semaine. « On fait de notre mieux pour avoir du stock mais on ne peut pas répondre à tout le monde », déclare la présidente de l’association Bérangère Poncet. Après le confinement, les épiceries resteront ouvertes mais les distributions, qui impliquent une mobilisation financière et humaine importante, vont donc être arrêtées. La présidente assure que l’association va quand même essayer de traiter un maximum de dossiers et tenter de gérer l’approvisionnement pour pouvoir répondre au plus de demandes possibles.
Des réponses gouvernementales insuffisantes
Le 26 novembre, de nouvelles mesures pour accompagner les 18-25 ans ont été annoncées par le Premier ministre Jean Castex et la ministre du Travail Elisabeth Borne. Au programme pour les étudiants : 20 000 jobs pour faire face à la raréfaction des petits boulots, et des aides financières pour quelque 45 000 jeunes supplémentaires.
Pour les associations interrogées, ces aides, même si elles constituent une avancée, ne sont pas suffisantes. « C’est une bonne initiative dans la mesure où beaucoup d’étudiants ont perdu leur emploi, mais ce n’est pas la solution miracle à la fin de la précarité », explique Bérangère Poncet.
De son côté, Pierre Guillaudeux déplore des réponses ponctuelles qui ne prennent pas le problème à la racine. Il souligne notamment le risque pour les jeunes qui cumulent études et emploi de louper leur scolarité et regrette que le système de bourse, véritable problème de fond selon lui, ne soit pas repensé. « En ce moment, on est dans une situation assez malsaine, ajoute-t-il. Le confinement met en lumière la précarité chez les étudiants au niveau financier et sanitaire mais on ne se rend pas compte qu’elle était là avant et qu’elle le sera après. »
Liens :
SOS Étudiants : http://sos-etudiants.fr/
AGEP : https://ageparis.org/
Encadré : Les dérives de la précarité
Face à une précarité grandissante, des jeunes désespérés se retrouvent contraints de se prostituer pour pouvoir se nourrir. Le témoignage de l’un d’entre eux, recueilli par France Bleu Paris, est bouleversant. A 20 ans, le jeune homme, étudiant en droit, a perdu son boulot pendant le premier confinement. Ne disposant que d’une bourse de 500 € par mois et isolé de sa famille qui vit en Guadeloupe, il est devenu escort-boy. « Ce serait bien que le gouvernement ait conscience que payer un loyer, l'électricité, faire des courses avec 500 euros, c'est impossible », a-t-il déclaré.
Pour plus d’informations :
https://www.francebleu.fr/infos/societe/temoignage-alexandre-etudiant-a-saint-denis-je-suis-devenu-escort-pour-ne-pas-crever-de-faim-1607014912
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